Klaus Harpprecht
Klaus Harpprecht est né Stuttgart en 1927. Son père, pasteur luthérien, est membre de l’Eglise confessionnelle antinaziste. Sa famille est endeuillée par les violences de la Seconde Guerre mondiale : il perd un oncle dans une prison de la Gestapo, et ses deux frères sont tués au champ d’honneur. En service militaire de guerre de 1943 à 1945, il est blessé et fait prisonnier par les Américains.
Libéré à l’été 1945, il entreprend des études de Littérature, Histoire et Histoire de l’Art qu’il n’achèvera pas, faute de revenus suffisants. Deux ans plus tard, il devient rédacteur pour l’hébdomadaire « Christ und Welt » (Christ et le Monde), fondé par Eugen Gerstenmaier, combattant de la résistance et plus tard Président de l’Assemblée Fédérale allemande. En 1953, il s’exerce au commentaire radiophonique sur les ondes de la RIAS-Berlin puis devient directeur de studio pour l’émetteur Freies Berlin (Berlin libre) à Bonn.
En 1958, il obtient une bourse du gouvernent américain pour un séjour d’études aux Etats Unis et devient envoyé spécial pour la Radio TV WDR à Cologne. Il sera correspondant aux Etats Unis pendant quinze ans, tout d’abord comme Chef de Studio à Washington, puis comme correspondant spécial de ZDF et GEO. De 1966 à 1969, il est à la fois directeur de la maison d’édition S. Fischer à Francfort et rédacteur et co-éditeur de la revue politique culturelle « Der Monat ». De 1972 à 1974 il est Chef du bureau d’écriture de discours et Conseiller du Chancelier Willy Brandt (Amérique, Europe Occidentale, Israel), puis à partir de 1982, correspondant culturel du « ZEIT » à Hambourg. Co-éditeur et éditorialiste de la revue « Neue Gesellschaft/Frankfurter Hefte ».
Membre du conseil de rédaction et auteur de la revue Suisse-Allemande « Cicero , Klaus Harpprecht a écrit plus de vingt livres. Il est également l’auteur et producteur d’une cinquantaine de films documentaires et a été fait Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur.
CONFERENCE
La Coopération franco-allemande
Malgré des carences évidentes, la Constitution Européenne est la réalisation d’un rêve vieux de plusieurs siècles. Elle met fin à une histoire de guerre, d’anéantissements de peuples et de races, d’épurations éthniques, de dictatures et d’états totalitaires.
La réconciliation entre l’Allemagne et la France s’est révélée comme une loi historique, à laquelle Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, George Pompidou et Willy Brandt, Valérie Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, François Mitterrand et Helmut Kohl, Jacques Chirac et Gerhard Schröder se sont pliés dans une même mesure.
Depuis l’origine, l’étroite coopération Franco-Allemande a été la force dynamique décisive du processus d’unification européenne. Ce processus avait été annoncé dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale par Winston Churchill, de concert avec des hommes d’Etat américains visionnaires, qui ont largement contribué au développement d’une Europe Unie. Dans une certaine mesure, les Américains font partie des Pères Fondateurs de l’unité Européenne – un fait qui risque d’être oublié, par les Américains et par les Européens.
En retraite à Washington à la fin de la guerre, Jean Monnet développe ses premiers projets pour l’Europe, à commencer par la mise en place de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (MONTAN UNION en allemand), sous l’autorité commune du Plan Schumann. Ses travaux sont fortement appuyés par George Ball, qui deviendra plus tard Secrétaire d’Etat sous Kennedy puis Johnson. Au sein de la première Institution Européenne, l’Autorité pour l’administration du plan Marshall, l’Allemagne est représentée par les trois puissances occupantes.
Tous les Présidents américains et l’élite politique mondiale ont appuyé l’union de l’Europe et particulièrement la coopération franco-allemande, sauf pendant les années de la crise De Gaulle et la prédominance du scepticisme de Kissinger.
Parmi les plus importantes contributions américaines figurent la décision de ne pas s’enfermer dans un nouvel isolationnisme : le Plan Marshall ; et la fondation de l’OTAN, qui a survécu au désengagement par De Gaulle du processus d’intégration militaire, preuve que la solidarité de l’Occident fût et reste plus forte que la division artificielle entre deux Europe gaulliste et atlantiste.
Jusqu’à présent, la plus rude épreuve inlfigée à cette collaboration est la stratégie unilatérale du Président Bush Junior. Même si elle semble aujourd’hui subir une certaine correction, le fossé culturel ouvert est gigantesque, avec son cortège de mots vedette : fondamentalisme religieux, peine de mort...
La grande richesse historique de l’Amérique, symbolisée par Thomas Jefferson, John Adams, Abraham Lincoln, est la coexistence productive, même si parfois tendue, entre religion et Raison critique. A ce titre, subsiste L’espoir que l’Amérique revienne à ses principes fondamentaux et à ses grandes conquêtes, ouverte à une nouvelle compréhension spirituelle et morale avec l’Europe. L’analyse si poussée des termes fédéralistes par Giscard d’Estaing lors des travaux de préparation de la Constitution Européenne n’était bien sûr pas fortuite.
La Symbiose franco-allemande est caractérisée par un souffle d’ « américanisation » (dans le meilleur sens du mot), non seulement à travers l’adoption de nombreux traits de l’ « American way of life » (sur le point de devenir une civilisation mondiale), mais avant tout à travers l’échange productif entre les cultures de de la Réforme et des Lumières, de la tradition catholique et de la philosophie libérale
La coopération Franco-Allemande ( les Anglais se joindront avec le retard habituel) est au centre de la Défense européenne, de la Politique Etrangère et de l’Euro, devenu la deuxième monnaie de réserve mondiale. Elle est donc le pilier principal de la coopération Euro-Américaine. L’Europe, si elle veut rester fidèle à sa nature, ne pourra jamais être anti-américaine, comme l’Amérique, dans son propre intérêt, ne pourra jamais être anti-européenne. L’élite américaine d’après-guerre tous comme les Pères Fondateurs de l’Europe unie en étaient intimement conscients.