Jean Clottes

À l’origine Professeur d'anglais dans un Lycée, Jean Clottes, jusqu'à sa retraite administrative en Juillet 1999, fut Conseiller scientifique pour l'art préhistorique au Ministère de la Culture, après avoir été successivement Directeur des Antiquités préhistoriques pour la région Midi-Pyrénées et Chargé de Mission d’Inspection Générale pour l’Archéologie dans ce même Ministère. Il fut également Président du Comité International d'Art Rupestre de l'ICOMOS. Il est Président d’Honneur de la Société Préhistorique française. Il est Officier dans l’Ordre National du Mérite (1991) et dans celui des Palmes Académiques (1998) et Chevalier de la Légion d’Honneur (2000). Ses recherches portent principalement sur l'art préhistorique et particulièrement sur les problèmes relatifs à la conservation, à la datation, à l'étude du contexte archéologique, à l'épistémologie et aux significations. Il a dirigé l'étude de la grotte Chauvet, en Ardèche. Il a fouillé des habitats préhistoriques sur plusieurs sites français de l'Ariège, de la Charente et du Lot, et étudié les grottes ornées du Placard (Charente), de Niaux, du Réseau Clastres et du Tuc d'Audoubert (Ariège), de Chauvet (Ardèche), de Mayrière supérieure (Tarn-et-Garonne), du Travers de Janoye (Tarn) et de Cosquer (Bouches-du-Rhône). Il a publié plus de 300 articles scientifiques et une vingtaine d’ouvrages.

CONFERENCES

1. Un art très ancien, la grotte Chauvet

La grotte Chauvet, découverte en décembre 1994 par trois spéléologues se range dès à présent parmi les sanctuaires les plus importants et les plus originaux connus dans l’art franco-cantabrique Plus de 420 représentations animales ont déjà été recensées par l’équipe scientifique. Cela en fait l’une des grottes paléolithiques les plus abondamment décorées en Europe. Les techniques utilisées sont remarquablement élaborées : recherche fréquente d’effets de perspective ; mise en œuvre de l’estompe pour donner des effets de relief ; détourage de certains animaux pour en accentuer les contours ; préparation par raclage de certaines parois. Cela présente d’autant plus d’intérêt que l’art de la grotte Chauvet est beaucoup plus ancien que celui de Lascaux, plus de 35 000 ans, ce qui change nombre de conceptions sur l’évolution de l’art pariétal. Dorénavant, il n’est plus possible de considérer que cet art s’est développé à partir de débuts frustes et grossiers et a connu une évolution linéaire. Il est plus probable d’envisager des apogées et des déclins nombreux, et la coexistence dans des régions différentes, à la même époque, de formes d’art très évoluées et d’autres qui l’étaient beaucoup moins.

Récemment (Mai 2001), un livre collectif de l’équipe scientifique vient de révéler le fruit de ses recherches et les toutes dernières découvertes (J. Clottes (dir.), 2001 : « La Grotte Chauvet. L’Art des Origines », Paris, Le Seuil).

2. Une Grotte ornée sous la mer, la grotte Cosquer

En juillet 1991, un plongeur sous-marin, Henri Cosquer, découvrit des peintures et des gravures dans une grotte sous la mer près de Marseille, au Cap Morgiou. En 1991, 1992 et 1994, des séries de plongées furent organisées par le Ministère de la Culture, avec la participation de Jean Courtin, préhistorien averti et plongeur. D'autres recherches furent reprises tout dernièrement, en 2002 et 2003.

La localisation extraordinaire de l'entrée de cette caverne est due à la montée du niveau de la mer après la fin de la dernière glaciation. Au maximum glaciaire, il y a 20.000 ans, la mer se trouvait 115 mètres plus bas qu'actuellement et la ligne de rivage était à 5 kilomètres de là. Les parois de toutes les galeries et salles submergées ont été corrodées et aucune peinture ni gravure n'y subsiste. L'art découvert se trouve dans des salles supérieures restées hors d'eau. Environ 180 figures d'animaux ont été répertoriées, ainsi que des dizaines de signes géométriques de formes diverses, 65 mains négatives, et une très curieuse image d'un homme tué. Les sols sont jonchés de charbons, restes de torches ou de feux allumés pour obtenir le charbon nécessaire aux dessins. Les gens n'habitaient pas dans ces lieux retirés. Les 24 dates obtenues par la méthode du radiocarbone ont montré que la caverne avait été fréquentée pendant deux périodes, d'abord aux alentours de 27.000 ans avant le présent, puis il y a 19.000 ans.

La grotte Cosquer, dont la majeure partie de l'art fut sans doute détruite par son ennoiement, est néanmoins une découverte majeure, par sa localisation en Provence, par l'abondance du bestiaire et des mains représentées, et par la présence d'animaux rares (phoques) ou uniques (pingouins).

Bibliographie : J. Clottes et J. Courtin 1994. La Grotte Cosquer. Peintures et gravures de la caverne engloutie. Paris, Le Seuil.

3. Les Chamanes des cavernes aux temps glaciaires

Depuis sa découverte, à la fin du siècle dernier, l’art paléolithique a été l’objet de diverses tentatives d’explication. Successivement, on a fait appel à l’art pour l’art, à la magie de la chasse, au structuralisme. Les découvertes qui se sont succédé au cours du siècle ont montré les lacunes des interprétations proposées.

Les travaux modernes,  dans divers domaines, permettent non pas d’avancer une nouvelle “explication globale”, mais de proposer un cadre explicatif. Ces travaux ont porté sur les phénomènes neurophysiologiques, sur les croyances de peuples traditionnels qui ont pratiqué des peintures rupestres jusqu’à une époque relativement récente, ainsi que sur les cavernes profondes où le contexte archéologique est depuis assez peu de temps étudié.

Ce cadre explicatif est celui du chamanisme. Vues sous cet angle, les grottes ornées font partie d’un système cohérent, où bien des mystères se dissipent.